Cet été, le gouvernement légifèrera par voie d’ordonnances afin de réformer, une fois encore, les règles qui régissent le monde de la gestion des copropriétés. La loi ALUR, qui avait déjà apportée beaucoup de changements, sera ainsi complétée et même corrigée sur certaines de ses dispositions prises en 2014. Ces ordonnances prévues par la Constitution, permettent au gouvernement de légiférer de manière exceptionnelle à la place de l’Assemblée nationale et du Sénat, évitant ainsi les multiples navettes et les amendements qui ne permettent généralement pas de mettre en application les textes de lois avant de nombreux mois dans le meilleur des cas.
Ce projet de modification de la loi du 10 juillet 1965 a été remis au gouvernement au dernier trimestre 2017 par le GRECCO (Groupe de recherche en copropriété), qui remplace la commission relative à la copropriété dissoute en 2014 et qui avait largement contribué au contenu de l’arrêté Novelli en 2010.
Plusieurs points sont visés par ces ordonnances dont les modes de gouvernance des copropriétés avec une différenciation des règles applicables selon le type ou la taille des immeubles. Il est envisagé que les copropriétés de moins de 10 lots aient la possibilité de ne pas instaurer de conseil syndical sans devoir le valider à la double majorité de l’article 26. Le texte prévoit également de simplifier le recouvrement des impayés de charges ou encore d’assouplir les règles de convocation dans certains cas. Ce type de gestion assouplie existe par ailleurs depuis plusieurs années pour les immeubles de moins de 10 lots en matière de gestion comptable.
L’un des apports les plus important de la loi ALUR fut d’instaurer un fond travaux obligatoire assorti de l’ouverture d’un compte séparé de celui du syndic. Il est question de revoir ce point et de ne plus imposer ce placement sur un compte spécifique. On peut s’interroger sur l’utilisation qui pourraient être faite de ces fonds s’ils devaient se confondre avec la trésorerie disponible de la copropriété. En effet, la loi ALUR a pris ces dispositions pour assurer la constitution d’un fond visant à réaliser des travaux sur les copropriétés. Le risque de voir ces fonds utilisés pour d’autres types de dépenses se posera donc si cette mesure est adoptée.
Une autre mesure envisagée représente une véritable petite révolution puisqu’elle prévoit d’élargir significativement les pouvoirs des conseils syndicaux en permettant la création d’un conseil d’administration dans les immeubles les plus importants. Ce type d’organisation serait obligatoire au-delà de 100 lots, mais soumis à la décision des copropriétaires en assemblée générale pour les immeubles moins importants ou le conseil syndical pourrait être maintenu. Le conseil d’administration serait élu dans les mêmes conditions que le conseil syndical pour 3 ans, disposerait des mêmes prérogatives d’assistance et de contrôle et serait révocable collégialement.
S’il fallait le rappeler, le conseil syndical est un organe essentiellement consultatif. Il n’a qu’un pouvoir de contrôle et d’assistance auprès du syndic et est mandaté spécifiquement pour des missions d’administration (par exemple le choix de l’entreprise pour réaliser des travaux votés) par l’assemblée générale. La véritable originalité réside dans les pouvoirs de décision qui seraient accordés au conseil d’administration hors assemblée générale concernant la réalisation de travaux notamment. Notons que certains conseils syndicaux vont parfois au-delà de leurs prérogatives en faisant voter des enveloppes budgétaires qu’ils utiliseront pour réaliser des travaux ou des aménagements qu’ils jugent nécessaires et dans l’intérêt de tous, en dehors de tout contrôle de l’assemblée générale. Cette pratique serait désormais légale dans les conditions prévues par le texte.
En principe, le conseil d’administration pourrait donc valider toute décision relevant de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 à la majorité de ses membres, sauf pour la validation des comptes qui resterait une prérogative de l’assemblée générale. Cette dernière aurait cependant la possibilité d’étendre les pouvoirs du conseil d’administration à des décisions relevant de la majorité de l’article 25.
Cette capacité de prendre des décisions aussi importantes et impactantes financièrement pour tous les copropriétaires a un but clair qui est de dégripper le système actuel qui donne à l’assemblée générale la très large part des pouvoirs de décisions dans le cadre de l’administration des immeubles. Seulement, l’absentéisme et le taux de représentation des copropriétaires en assemblée ne permet que rarement d’atteindre le minimum requis pour prendre rapidement les décisions qui s’imposent. La loi Alur avait déjà fait un grand pas en simplifiant la plupart des majorité requises pour les travaux d’amélioration en particulier. Cette nouvelle réforme doit rendre la prise de décisions en copropriété encore plus fluide.
Si le principe est séduisant de prime abord, une question se pose : Qui va contrôler les actions de ce conseil et quels seront les moyens d’agir ? En effet, s’il est vrai que chaque copropriétaire a un intérêt commun liés à la valeur du patrimoine, les intérêts particuliers peuvent parfois prendre le dessus et rendre les choses plus difficiles encore qu’avec la situation actuelle.
D’autres dispositions moins fondamentales sont également à l’ordre du jour de ces ordonnances. Nous attendons toutes ces modifications avec impatience et les intégrerons à nos programmes de formation dès leur mise en application.
Luc Louguet – Formateur spécialisé en copropriété